Préavis réduit : la justification doit être concomitante au congé

Publié le : 03/05/2019 03 mai mai 05 2019
Source : www.dalloz-actualite.fr
Faute pour le locataire qui souhaite bénéficier d’un délai de préavis réduit de préciser le motif invoqué et d’en justifier au moment de l’envoi de la lettre de congé, le délai de préavis applicable à ce congé est de trois mois.
 
par Yves Rouquet
 
Civ. 3e, 11 avr. 2019, FS-P+B+I, n° 18-14.256
 
L’époque où il était possible pour le locataire d’un bail d’habitation de justifier a posteriori du bénéfice d’un délai de préavis réduit de trois à un mois est révolue.
 
En effet, depuis la modification de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 par la loi ALUR du 24 mars 2014, le texte dispose que « le locataire souhaitant bénéficier des délais réduits de préavis […] précise le motif invoqué et le justifie au moment de l’envoi de la lettre de congé ». À défaut, poursuit le texte, c’est le délai de trois mois de droit commun qui s’applique (comp. not., auparavant, admettant des justificatifs tardifs, v. Civ. 3e, 8 déc. 1999, n° 98-10.206, D. 2000. 17 ; RDI 2000. 97, obs. F. Collart-Dutilleul  ; 7 juill. 2004, n° 03-14.439, AJDI 2004. 889 , obs. Y. Rouquet  ; 30 juin 2010, n° 09-16.244, Dalloz actualité, 9 juill. 2010, obs. Y. Rouquet ; D. 2010. 1788, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2011. 1181, obs. N. Damas ; AJDI 2011. 287 , obs. N. Damas ; ibid. 294 , obs. N. Damas ).
 
Il n’est donc plus suffisant pour le locataire de se borner à indiquer dans son congé qu’il est éligible à l’une des cinq hypothèses ouvrant droit au préavis réduit, à savoir :
• lorsque le local loué est situé en zone tendue ;
• en cas d’obtention d’un premier emploi, de mutation, de perte d’emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi ;
• pour le locataire dont l’état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile ;
• pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l’allocation adulte handicapé ;
• pour le locataire qui, comme c’était le cas dans l’espèce ayant débouché sur l’arrêt du 11 avril 2019 rapporté, s’est vu attribuer un logement défini à l’article L. 351-2 du code de la construction et de l’habitation.
 
Il doit désormais de surcroît, dans le même temps, rapporter la preuve de ses allégations.
 
On notera que le texte se bornant à indiquer que la justification doit intervenir « au moment de l’envoi de la lettre de congé », rien ne s’opposerait à ce que le justificatif soit adressé ou remis au bailleur par courrier séparé le même jour.
 
On voit toutefois mal l’utilité d’une telle pratique pour le locataire sauf, bien entendu, en cas d’omission du justificatif dans la lettre de congé.
 
La réforme opérée par le législateur en 2014 doit être saluée car elle tarit la source d’un certain nombre de contentieux engendrés par le doute que l’absence de fourniture de justificatifs faisait légitimement naître chez le bailleur (validant, sous l’empire de la loi ancienne, la production de ces justificatifs en cours d’instance, v. not. TI Lyon, 21 avr. 1988, Ann. loyers 1988. 1183).
 
Elle suscite toutefois une réserve.
 
On peut en effet s’interroger sur la pertinence d’exiger la justification du motif allégué, non pas lorsque celui-ci est inhérent au locataire (obtention d’un premier emploi ou d’un logement social, état de santé, mutation, etc.) mais lorsqu’il se rattache à la situation de l’immeuble en zone tendue.
 
On aurait pu imaginer alors que, s’agissant d’une raison objective de réduction du préavis, le législateur se contente, dans le congé, de la précision du motif invoqué.
 
D’ailleurs, en pareille circonstance, de quel justificatif s’agit-il ? De la copie du décret n° 2015-650 du 10 juin 2015 fixant la liste des communes comprises dans les zones tendues ? Mais comme ce texte procède par renvoi au décret n° 2013-392 du 10 mai 2013, ce dernier texte doit-il également être fourni ? La reproduction du premier (et désormais unique) alinéa de l’article 17-I, siège de la matière, doit-elle compléter l’ensemble ?
 
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